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La très, très, lente progression de l’ouverture à la concurrenceDes sanctions rendues publiques pour les banques récalcitrantesCela fait déjà près d’une décennie que les pouvoirs publics tentent de briser le monopole des banques sur l’assurance-emprunteur, mais se heurtent sans relâche aux réticences de ces dernières.
Et, dans ce combat, Martial BOURQUIN fait figure de proue. Bien connu pour son engagement en faveur de l’ouverture à la concurrence de l'assurance de prêt, ce sénateur du Doubs a introduit une proposition de loi “tendant à renforcer l’effectivité du droit au changement d’assurance emprunteur”, qui sera examinée au parlement à partir du 23 octobre prochain.
Une initiative que nous saluons avec force et qui nous donne l’occasion de tirer, une fois de plus, la sonnette d’alarme : oui le droit au changement est légal, mais dans les faits, les banques sont encore très loin de toutes jouer le jeu !
La très, très, lente progression de l’ouverture à la concurrence
À l’origine, ce vent de libération de l’assurance-emprunteur avait tout pour séduire la clientèle des organismes de crédit immobilier, puisqu’il avait pour vocation de protéger leur pouvoir d’achat en leur offrant une alternative aux tarifs abusifs pratiqués par les institutions financières.
Car changer d’assurance-emprunteur est bien plus rentable, tant pour les 12 millions de ménages concernés que pour l’État et les finances publiques, qu’une hypothétique baisse de leur taux d'imposition.
Il faut en effet savoir que si les Français exerçaient leur droit à changer d’assurance de prêt immobilier se seraient 6 milliards d’€ qui viendraient enrichir leur pouvoir d’achat, soit en moyenne 600€ de pouvoir d’achat par an et par foyer ! C’est le double de la baisse moyenne de l'impôt sur le revenu annoncée pour 2020 par Bercy. En ces temps de morosité économique, une libéralisation effective de la concurrence sur le marché de l’assurance de prêt serait la bienvenue et la proposition du sénateur Bourquin peut être déterminante pour y parvenir enfin.
Car, force est de constater que, 10 ans après que la loi Lagarde a permis de s’adresser à un autre organisme que sa banque pour souscrire à une assurance de prêt immobilier, 5 ans après que la loi Hamon a prévu la possibilité de résilier son assurance-emprunteur, au profit d’une nouvelle couverture plus abordable, dans les douze premiers mois suivants la signature de l'offre de prêt, et un an après la mise en application de l’amendement Bourquin, rendant annuelle la possibilité de résiliation - à la date anniversaire, et sur toute la durée du crédit, si et seulement si le nouveau contrat garantit au moins la même couverture que le précédent, la mauvaise volonté manifeste des institutions financières a enlisé la situation dans l’immobilisme.
Le marché est encore dans une situation d'aberration concurrentielle : les banques concentrent entre leurs mains pas moins de 85 % des contrats d’assurance de prêt immobilier !
Certes, le manque criant de moyens publics dédiés à l’effort de pédagogie autour de ces dispositifs auprès des Français n’a pas aidé à ce qu’ils s’intéressent davantage aux atouts de la délégation et de la substitution d’assurance.
Mais la situation est avant tout imputable aux comportements des organismes de crédit, qui restent nombreux à mettre des bâtons dans les roues des consommateurs bien décidés à faire valoir leurs droits, quand, pour 30% d’entre-elles, elles n’ignorent pas purement et simplement les demandes de renégociation ou de changement d’assurance.
Les banques mutualistes ou publiques sont les plus à blâmer, faisant l’objet d’une multitude de plaintes : elles apparaissent comme celles jouant le plus régulièrement la montre de manière à ce que la date anniversaire soit dépassée, ou assortissant le plus souvent à leur accord des exigences matérielles invraisemblables.
L’histoire du client d’une grande institution financière publique, domicilié à Paris, est à ce titre saisissante : demandant à changer d’assurance de prêt, et ce dans les délais impartis, il a été invité à remplir un document superflu, au regard des garanties attendues, et à le faire contresigner par un conseiller financier, l’obligeant ainsi à organiser un rendez-vous en agence. Or, le signataire désigné pour le compte de cette banque se trouvait être son centre financier, situé à … Nancy ! En résumé, pour faire valoir son droit, ce client aurait donc dû parcourir quelque 350 kilomètres afin de procéder à la signature d’un papier totalement inutile !
Mais le plus grave, c’est que ce cas est loin d’être isolé...
C’est pourquoi, en dépit du poids toujours plus lourd de l’assurance dans le coût total d’un crédit, avoisinant voire dépassant parfois les intérêts eux-mêmes (voir notre article), seuls 2% des emprunteurs ont fait appel à un assureur externe entre 2018 et 2019, selon L’Argus de l’assurance.
Des sanctions rendues publiques pour les banques récalcitrantes
Pour tenter de contrecarrer ces pratiques problématiques, Martial BOURQUIN a donc introduit une proposition de loi en 2019, dont on peut retenir deux choses.
La première, c’est qu’elle revient sur la notion de date d’anniversaire, et donc sur le calcul du préavis, en entérinant légalement l’échéance retenue par le Comité consultatif du secteur financier, à savoir la date de la signature de l’offre de prêt.
Cette clarification est la bienvenue tant les banques ont pu, ces deux dernières années, jouer du flou juridique pour éviter de se plier aux règles et ralentir les procédures.
La seconde, c’est qu’elle promet des sanctions financières envers les acteurs du marché qui rechigneraient à se conformer à la réglementation.
Si cette proposition de loi est adoptée, les établissements accordant des crédits immobiliers seront en effet dans l’obligation de prévenir annuellement leurs clients de l’approche de leur date anniversaire, de manière à ce que les souscripteurs puissent, en temps et en heure, faire jouer la concurrence et changer d’assureur.
En cas de non-respect de ce devoir, les particuliers pourront alors choisir une nouvelle assurance de prêt, et ce à n’importe quel moment de l’année, sans encourir de pénalité.
De plus, les banques seront passibles d’une amende de 1500 euros, et surtout, ces condamnations seront rendues publiques. Avec ce "name and shame" (nommer et faire honte), les banques qui ne jouent pas le jeu de la libre concurrence seront montrées du doigt !
Sans jeter l'opprobre, nous nous réjouissons que les élèves les plus médiocres puissent ainsi être épinglés et que leurs mauvaises conduites, allant à l’encontre du droit des consommateurs, puissent être révélées au plus grand nombre.
Selon nous, cette proposition de loi va dans le bon sens.
D’abord parce qu’elle démontre la volonté du législateur de battre en brèche un certain nombre de faiblesses juridiques laissées ouvertes par le précédent amendement.
Mais aussi et surtout parce qu’elle braque de nouveau les projecteurs sur un instrument de la redistribution du pouvoir d’achat, pourtant jusque-là malmené par les banques.
Or, le vote de cette proposition de loi auprès des députés et des sénateurs n’est pas acquis.
Aussi, pour faire entendre cette vérité et résister au lobbying que les organismes de crédit ne manqueront pas de mettre en place, nous avons besoin de vous !
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