Chiffres sans fondements”, “dérives observées des banques”, spectre des “problèmes de remboursement” ou d’une “crise financière” : dans son communiqué de presse du lundi 3 février, la Banque de France n’y va pas de main morte pour dénoncer la levée de bouclier des banques à l’encontre des mesures proposées par Bercy en décembre dernier.
Une réaction pour le moins musclée d’une institution indépendante pourtant d’ordinaire diplomate, que l’on comprend aisément si on reprend le fil de l’histoire.
Fin 2019, la production de crédit atteint des records : 258 milliards d’euros, soit une progression de 21% par rapport à 2018. La croissance de l’encours net des emprunts explose : + 61,5 milliards d’euros en 2019, le portant à 1.078 milliards d’euros.
Des chiffres à donner le tournis, et qui inquiètent les autorités, soucieuses d’éviter la surchauffe du marché et de préserver le modèle français du financement de l’immobilier.
C’est dans ce contexte que le Haut Conseil de Stabilité Financière, présidé par Bruno Le Maire, Ministre des Finances, préconise notamment de limiter le poids des mensualités à 33% des revenus perçus et de plafonner la durées des prêts à 25 ans maximum.
Le fake “as usual” du lobby bancaire
D’abord discrètes, les banques ne tardent pas à adopter une stratégie de défense bien connue : jouer l’inquiétude de façade en brandissant le drapeau rouge de l’exclusion au crédit des ménages les plus modestes : 100.000 pour reprendre l'Observatoire des crédits aux ménages, organisme en étroite relation avec la Fédération bancaire française (FBF).
Et espère ainsi au passage semer la panique chez les aspirants à l’emprunt… un procédé qui n’est pas sans rappeler leur coup de bluff au moment de l’ouverture à la concurrence de l’assurance emprunteur, trop gênées qu’elles étaient de perdre leur monopole… et leurs substantielles marges !
Car ne nous y trompons pas. Ce n’est pas par philanthropie que les banques s’insurgent contre les recommandations de la Banque de France, mais bien parce qu’elles risquent de nouvelles contraintes en fond propre si le Haut Conseil de Stabilité venait à devoir leur taper sur les doigts à l’issue du bilan que ce dernier souhaite dresser avant l’été.
Dès lors, on est moins surpris par cette franche mise au point, que l’on ne peut qu’applaudir dans la mesure où elle tend à tuer dans l’œuf une stratégie de communication du lobby bancaire aux allures de poker menteur.