Sommaire
Les avancées de l’assurance-emprunteur finalement rejetéesUne décision obtenue sous la pression du lobby bancaireLes banques mieux protégées que les mutuelles ?Revenons à la résiliation infra-annuelle et votons-la !Au début du mois d’octobre 2020, la résiliation d’assurance emprunteur infra-annuelle est votée par l’Assemblée Nationale, mais retoquée en commission paritaire à la demande de la ministre déléguée à l'industrie. Après la première déception passée, nous vantions un amendement conservé dans la loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP) : le renforcement résiliation annuelle, avec une meilleure information délivrée aux assurés — notamment sur la date d’anniversaire du contrat… Or, ces petites avancées viennent d’être finalement rejetées par le Conseil Constitutionnel : qu’à cela ne tienne, remettons tout à plat et votons la résiliation infra-annuelle !
Les avancées de l’assurance-emprunteur finalement rejetées
Chargé de la conformité à la Constitution française des lois et des règlements, le Conseil Constitutionnel vient de qualifier 25 articles de la loi ASAP de « cavaliers législatifs » — à savoir des mesures introduisant des dispositions qui n’ont « aucun lien avec le projet ou la proposition de loi déposé sur le bureau de la première assemblée saisie en méconnaissance des règles posées par les articles 39 et 44 de la Constitution. »[1]
Malheureusement, dans sa décision n° 2020-807 du 3 décembre 2020, au sujet de l’assurance emprunteur, il abandonne ces avancées favorisant une concurrence loyale. Dans son point n° 78, elle mentionne : « L’article 115 prévoit l’information des assurés sur les modalités de résiliation unilatérale d’un contrat d’assurance-emprunteur. […] ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles de l’article 45 du projet de loi initial, relatives aux modalités de fixation des honoraires d’avocats intervenant dans le cadre de l’exécution d’un contrat d’assurance de protection juridique. »[2]
Une décision obtenue sous la pression du lobby bancaire
Ce n’est pas la première fois que le Conseil Constitutionnel invalide une mesure d’ouverture dans notre domaine : à la fin de l’année 2016, il en avait censuré les points sur la loi Sapin II. Heureusement, l’opiniâtreté du sénateur Martial Bourquin avait permis d’adopter un amendement quelques mois plus tard, ouvrant le secteur à la résiliation annuelle et porte aujourd’hui son nom.
En 2020, le lobby bancaire a de nouveau exercé son pouvoir pour bloquer toutes les initiatives sur le sujet, malgré un contexte économique et sanitaire fragilisant déjà beaucoup le pouvoir d’achat des ménages : échec de la résiliation infra-annuelle, échec de l’ouverture à la concurrence. Le lobby a envoyé ses meilleurs avocats pour trouver le vice de procédure et le faire valoir devant le Conseil Constitutionnel pour qu’il invalide cette obligation d’informations.
Les banques mieux protégées que les mutuelles ?
Depuis le 1er décembre 2020, les Français peuvent résilier leur mutuelle à tout moment, et cela, sans frais, après un an de contrat : en écho avec la loi Hamon, la loi du 14 juillet 2019 concerne toutes les personnes détentrices d’une couverture individuelle — particuliers comme entreprises. L’objectif affiché du gouvernement étant d’améliorer le pouvoir d’achat des Français et d’obliger les assureurs à davantage de transparence.
On constate ici, deux poids, deux mesures : en effet, pourquoi ne pas ouvrir ce droit à l’assurance de prêt pour offrir aux emprunteurs la possibilité d’optimiser ses coûts et contraindre tous les assureurs à jouer le jeu de la concurrence ? La seule explication à cette différence de traitement incompréhensible : l’impressionnante puissance des banques !
La passivité de nos élus face à cette citadelle en dehors de toutes règles de la concurrence qui parvient à détourner un pactole de 9 milliards d'euros par an est incompréhensible.
Déjà détentrice de plus de 85 % des parts de marché, malgré l’ouverture à la délégation d’assurance autorisée depuis la loi Lagarde en 2010, les banques parviennent à conserver un monopole : aujourd’hui, le contrat d’assurance de prêt est le seul et le dernier contrat d’assurance à ne pas être résiliable à tout moment !
Revenons à la résiliation infra-annuelle et votons-la !
Isabelle Delange, présidente du directoire de Sécurimut, spécialiste de l’assurance emprunteur, souligne qu’avec une ouverture au changement d’assurance à tout moment, « les manœuvres dilatoires des banques que nous observons aujourd’hui (une réponse sur deux dans les délais, non-communication spontanée de la date d’échéance) n’auraient plus le même impact sur les emprunteurs, et ne leur feraient plus perdre une année dans leur changement d’assurance. Nous espérons donc que le sujet de l’assurance emprunteur revienne rapidement sur la table du législateur, et que la résiliation infra-annuelle soit enfin adoptée ». [3]
À la fin du mois d’octobre 2020, la députée Patricia Lemoine déclarait : « Je n’ai pas du tout l’intention de baisser les bras. Vous pouvez compter sur ma pugnacité pour essayer de faire adopter prochainement cette résiliation à tout moment. Il faut trouver le bon véhicule législatif pour que ce dispositif soit remis en discussion. »
Ne nous contentons pas de maigres avancées (quand on nous les laisse) réclamons la résiliation infra annuelle pour permettre aux Français de gagner du pouvoir d’achat et d’offrir une vraie alternative aux toute-puissance bancaires !
Force est de constater que le monopole des banques et les blocages à liberté de choix sont protégés par la loi française : les parlementaires doivent remettre le sujet à l’ordre du jour ou faudra-t-il soumettre cette entrave à la libre concurrence à la justice européenne ?
[1] Citation Dalloz https://actu.dalloz-etudiant.fr/le-saviez-vous/article/le-cavalier-legislatif/h/40132f7609d812cce319f26bab7752cf.html
[2] Référence :https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2020/2020807DC.htm
[3]Citation : http://www.lyonpoleimmo.com/2020/12/07/62769/assurance-emprunteur-la-resiliation-infra-annuelle-attendra/
[4]Citation :https://www.moneyvox.fr/credit/actualites/82260/pret-immobilier-nouveau-coup-de-tonnerre-sur-assurance-emprunteur